Underground Railroad de Colson Whitehead :

“Retour au 19ème siècle aux Etats-Unis. L’auteur nous raconte l’histoire de Cora, une jeune esclave qui décidera de s’enfuir de la plantation de coton où elle travaille depuis sa naissance afin d’échapper à la violence d’un propriétaire sans scrupules et d’espérer une vie meilleure. Mais la liberté à un prix. Elle n’est jamais gratuite surtout dans les états du sud. Cora l’apprendra tout le long de sa cavale en évoluant dans un environnement hostile et raciste. Sauver sa vie sera sa principale préoccupation, elle est aidée par plusieurs abolitionnistes blancs qui risqueront leur vie et celle de leur famille pour faciliter la fuite de la jeune fille via un réseau souterrain de chemin de fer : l’underground railroad –
L’auteur n’hésite pas à décrire la haine qu’ont subi les esclaves noirs via des actes de violence d’une cruauté sans nom de la part des propriétaires blancs. En parallèle, il met en valeur les rares américains qui se battent dans l’ombre pour aider à leur échelle, les fugitifs noirs traqués par une populace collaborationniste et des chasseurs d’esclaves avides de sang et d’argent.
L’auteur nous pousse à avoir une réflexion sur l’état de l’Amérique d’aujourd’hui. La ségrégation raciale n’a jamais vraiment disparu, surtout dans les Etats du sud, comme en témoigne encore malheureusement les nombreux faits divers. »
Ce roman de Colson Whitehead, dur pour certaines, nous a permis de rebondir sur de nombreux sujets et de recherches de la part de nos lectrices. (explication des « enfants de Cham – La contreverse de Valladolid (1550) où Charles Quint réunit des juristes et des théologiens pour déterminer la manière dont les Indiens peuvent être légitimement soumis et convertis, etc…).

Coups de cœur de nos lectrices :

La femme révélée de Gaëlle Nohant :

« En 1950, à Paris, une jeune femme vient de débarquer avec pour seul viatique son appareil photo Rolleiflex. Une situation surprenante car jusqu’alors elle vivait confortablement à New-York avec son époux et son petit garçon. Elle n’a emporté que quelques bijoux, témoins de l’aisance de sa vie passée. Hébergée dans un hôtel plutôt louche, elle se fait dévaliser.
Désormais fauchée, elle se retrouve à la merci de la patronne de cet hôtel de passe. Aidée de Rose, une prostituée au grand cœur, elle trouve refuge dans un foyer pour jeunes femmes et tente de vivre grâce à de petits boulots. Elle découvre aussi St-Germain-des-prés et les soirées Jazz. A la façon de Vivian Maier, elle prend plaisir à parcourir les rues de Paris toujours armée de son appareil photo pour y saisir des scènes de vie que son talent sait mettre en valeur. Elle a fui on ne sait qui ni quoi, et si le mystère est d’abord épais, les raisons de sa fuite deviennent de plus en plus évidentes à mesure que se dévoile son passé.
Dans ce roman construit en deux parties assez différentes l’auteur nous entraine par son écriture à la fois réaliste et poétique et son talent de conteuse dans les pas de Violet-Eliza, personnage mystérieux et très attachant.
Avec Violet, le lecteur découvre le Paris des années 50 où tout est à reconstruire sur les ruines de la seconde guerre mondiale. Puis les années 60/70, avec la crise immobilière aux États-Unis, mais surtout les différences de traitement entre blancs et noirs, jusque dans les états du nord prétendument moins racistes. Car si les problèmes de racisme n’y sont pas aussi ouvertement déclarés que dans le sud, ils régissent les lois du marché et de la politique plus surement que s’ils étaient verbalisés. Ce sont les prémices de la fin de la ségrégation raciale, mais aussi les assassinats de Martin Luther King et Robert Kennedy, puis la révolte grandissante de la jeunesse contre la guerre du Vietnam pendant la présidence de Nixon. »

Shanghai-la-juive de Michèle Kahn :

« 1938. Près de trente mille juifs s’exilent d’Europe vers Shanghai, le seul endroit au monde où l’on peut encore entrer sans visa. Ils croient fuir Hitler et les SS, ils se retrouvent pris au piège d’un ghetto japonais.
« Je ne veux pas moisir dans cette ville pourrie, je veux vivre ou crever mais pas végéter. » Walter Neumann, jeune journaliste juif, tente de se frayer un chemin dans une Shanghaï interlope où la misère côtoie le luxe le plus effréné, où caïds chinois et gangsters philippins font la loi. Avec pour seules armes son intelligence et son charme, Walter traverse les années de guerre. A ses côtés, deux femmes Feng-si la Chinoise et Macha la Russe, les deux amours de sa vie. Puis ce sera Hong Kong, la réussite… Enfin son destin bascule à Macao, à la veille de la restitution de Hong Kong à la Chine, le 1″ juillet 1997.
Un grand roman d’amour et d’aventures qui nous emporte et nous fait revivre une période de l’Histoire passionnante et méconnue… »
Un peu d’histoire :
« Au tout début du 20ème siècle, Shanghai vit arriver les russes fuyant un pays en proie à l’antisémitisme, à la révolution et à la guerre civile, puis entre 1933 et 1941 plus de 30000 Juifs européens débarquèrent à Shanghai après un voyage à travers l’océan.
Shanghai, du fait de son statut de port ouvert, n’exigeait ni visas ni passeports et n’avait aucun quota. Selon une étude sur l’Holocauste, Shanghai aurait accueilli plus de réfugiés Juifs que l’Afrique du Sud, le Canada, l’Australie, l’Inde et la Nouvelle-Zélande réunis.

Deux Justes Parmi les Nations

Feng-Shan Ho, Consul général chinois à Vienne de 1938 à 1940, au péril de sa propre vie, délivra des visas pour Shanghai à de nombreux Juifs autrichiens. Les nazis, qui en furent informés, fermèrent le consulat chinois mais Feng-Shan Ho, avec son propre argent, le rouvrit à une autre adresse, fournissant encore plus de visas aux Juifs, en sauvant ainsi des milliers. Il est aujourd’hui considéré comme le « Schindler de Chine ».
Chiune Sugihara, consul japonais en Lituanie, à Kovno, en 1939-1940, a lui aussi émis des visas à plus de mille réfugiés Juifs polonais, leur permettant de fuir vers Shanghai. Parmi eux se trouvaient les survivants de la yeshiva de Mir (école religieuse NDLR), dont plus de 300 étudiants furent sauvés. Alors même que la Lituanie allait être annexée par l’URSS, le Japon ouvre un consulat à Kovno. Le nouveau consul japonais, Chiune Sugihara, décide, à l’encontre de ses autorités de tutelle, de délivrer des visas de transit. Documents en main, les étudiants entreprennent alors un long périple qui les emmènent à Kobé, où ils resteront neuf mois, avant d’être envoyés à Shanghai, qu’ils quitteront pour s’installer définitivement à Brooklyn, à New York. Quand on lui demanda pourquoi il avait risqué sa carrière, voire sa vie, pour aider d’autres personnes, il aurait répondu, citant un adage samuraï : « Même un chasseur ne peut tuer l’oiseau qui vole vers lui en cherchant un refuge ».
Les réfugiés s’entendaient bien avec leurs voisins chinois, et ils créèrent diverses activités dans toute la ville. Dans la communauté juive, l’éducation a toujours été de mise. Plein de courage et d’envie, ils fondèrent des clubs de sports, réalisèrent des pièces de théâtre, et éditèrent également leurs propres journaux. Le Judaïsme et sa culture ont ainsi pu être préservés
(Myriam Halimi )
Encore un pan de l’histoire que nous découvrons à travers la lecture de nos adhérentes.

Le cercle des hommes de Pascal Manoukian :

Perdue sous la canopée, une tribu d’Indiens isolés, fragilisés, menacés par les outrages faits à la forêt. Au-dessus de leurs têtes, un homme d’affaires seul et pressé, aux commandes de son avion, survole l’immense cercle formé par la boucle du fleuve délimitant leur territoire. Une rencontre impossible, entre deux mondes que tout sépare. Et pourtant, le destin va l’organiser. À la découverte de la « Chose », tombée du ciel, un débat agite la tribu des Yacou : homme ou animal ? Enfermer dans un enclos avec les animaux, c’est en essayant de leur prouver qu’il est humain que l’industriel finira par le devenir.
Le Cercle des Hommes n’est pas seulement un puissant roman d’aventures, d’une richesse foisonnante, c’est aussi un livre grave sur le monde d’aujourd’hui et notre rapport à la nature.
Il est ici question de notre terre, de notre rapport à la nature, de nos comportements destructeurs et suicidaires. Gabriel apprend une autre façon de vivre en harmonie avec les autres êtres vivants, végétaux et animaux (non sans douleur – Gabriel teste des drogues hallucinogènes administrées par le chaman…) – Pascal Manoukian nous entraîne au sein de cette tribu qui limite volontairement le nombre d’individus constituant chaque groupe pour un meilleur équilibre, commence chaque matin en riant et en confiant aux femmes le maniement des armes pour la chasse, ou convoque des rassemblements lorsqu’il y a un sujet à trancher. Mais tout ceci est néanmoins obscurci par la menace que l’on sent planer sur ces modes de vie en voie d’extinction… »

Les armoires vides d’Annie Ernaux :

« Les années 40 – Denise Lesur, fille de modestes tenanciers d’un bar-épicerie normand, mène une enfance heureuse. Elle évolue entre les clients bons vivants et ses parents, simples, mais qui n’hésitent pas à faire crédit aux plus démunis.
Son univers se renverse le jour où elle entre à l’école privée. L’institution lui ouvre les portes d’un nouveau monde, celui des gens aisés et distingués, qui parlent à voix feutrée un langage lisse et soigné, si éloigné de son argot et de la vulgarité.
Commence pour elle la découverte des mots, des livres et de la beauté, mais aussi la honte de son milieu. Le bistrot lui apparaît comme un lieu de beuveries et ses parents comme des petits commerçants vulgaires, incultes, serviles et à la réussite médiocre. L’écart entre les deux est trop grand, elle choisit la réussite et donc le mépris des siens.
Mise à l’écart par ses camarades, elle prendra sa revanche en devenant la meilleure et n’aura de cesse d’aller toujours plus loin dans les études pour mieux s’éloigner de ses origines et intégrer ce nouveau monde idéal. »
Agrégée et professeur de lettres modernes, Annie Ernaux a passé son enfance et sa jeunesse à Yvetot, en Normandie.
Elle est née dans un milieu social plutôt modeste: ses parents étaient d’abord ouvriers, ensuite petits commerçants. Annie Ernaux allait régulièrement à l’école et apprenait bien. Elle a fait ses études à l’université de Rouen.
Elle est successivement devenue institutrice, professeure certifiée puis agrégée de lettres modernes.
C’est donc aussi l’occasion pour elle de revenir sur son parcours personnel et de raconter la douleur de n’appartenir à aucun monde. Ni à celui des intellectuels bourgeois ni à celui des soumis. Elle n’est comprise nulle part et seule partout.

BOZA de Ulrich Cabrel et Etienne Longueville :

Livre sorti le 6 février :
« Né dans un bidonville de la banlieue de Douala au Cameroun, Petit Wat est un adolescent haut en couleurs qui fait les quatre cents coups avec ses copains. Mais, sans avenir chez lui, il prend la douloureuse décision de partir pour accomplir son rêve : faire un boza, passer en Europe. Avec un sac à dos troué et une immense foi en lui-même, Petit Wat découvre de nombreux dangers. Abandonné par un passeur aux portes du Niger, il doit affronter ghettos et déserts. Arrivé au Maroc, il rejoint des centaines de jeunes déshérités qui s’organisent pour affronter le « Monstre-à-Trois-Têtes » : des barrières massives séparant l’Afrique de l’Europe. Pourront-ils vraiment passer de l’autre côté ?
Dans Boza !, Ulrich Cabrel et Étienne Longueville proposent un regard inédit sur les réalités migratoires. La verve des personnages et l’humour du narrateur contrastent avec les enfers qu’ils traversent, offrant à ce roman d’aventures une tonalité et un rythme captivant. »
Réalité :
En juillet 2016, à l’âge de 15 ans, Ulrich Cabrel quitte son bidonville au Cameroun pour faire « Boza », c’est-à-dire passer en Europe. Un long parcours de 9000 km qui le mène jusqu’en Bretagne. En octobre 2017, il trouve refuge à Saint-Brieuc chez Etienne Longueville, un fonctionnaire de 32 ans, bénévole dans une association qui accueille les jeunes réfugiés.
Ce sont deux profils très différents. Ulrich c’est un jeune homme qui parle beaucoup, qui a la « tchache ». Etienne un trentenaire un peu original qui « vérifie trois fois si le four est vide et la cafetière éteinte ». Ils on écrit ce livre, un roman « fortement inspiré » de l’aventure d’Ulrich.
Petite piqûre de rappel pour nos prochaines rencontres :

Le 12 mars : avec pour lecture commune Les seize arbres de la Somme de Lars Mytting :

« Edvard Hirifjell vit avec son grand-père Sverre, sur l’ubac de Saksum en Norvège, dans une ferme isolée. Il ne connaît de ses parents qu’une photo posée sur la commode à côté du téléphone : ils sont morts accidentellement en France en 1971. Edvard avait alors trois ans, il les avait accompagnés dans la Somme mais n’a aucun souvenir de ce voyage fatal. Comme l’arbre qui « doit enfermer la blessure et continuer de pousser », il a grandi sans pouvoir poser de questions.
Sverre a transmis à son petit-fils tout ce qu’il devait savoir afin d’assurer la continuité de l’exploitation. Les deux hommes ont une vie simple, aux interactions sociales minimales. Sverre est tout pour Edvard, même si ce dernier ne peut pas ignorer le passé trouble de son grand-père.
Au décès de Sverre, Edvard découvre qu’un sublime cercueil a été livré à son attention. Seule une personne a pu réussir un tel ouvrage, son grand-oncle Einar, ébéniste d’exception. Arrive la première question : pourquoi ce cercueil alors que les frères ne se parlaient plus depuis des années ? La boîte de Pandore est ouverte et, très vite, la révélation qu’il ne sait rien, en réalité, du passé de son oncle et de ses parents.
Commence un voyage, au sens propre comme au figuré, à la recherche de la vérité, de son passé et d’un trésor mystérieux…
Les Seize arbres de la Somme est à la fois un roman d’aventures, d’initiation, un roman noir, mais aussi historique. L’auteur nous fait voyager de la Norvège à la Somme en passant par les Îles Shetland, en remontant le temps. »
On découvre une nature omniprésente, des ébénistes de talent – le vrai sujet est là : le travail du bois, notamment des essences rares, est le fil directeur d’une quête qui est un véritable hymne à la nature, aux arbres et aux gestes de l’artisan. (M.C Lebrun)

Le 9 Avril avec le Roman d’Hannah Rothschild : L’improbabilité de l’Amour

Livre proposé par une de nos lectrices (voir rencontre du 12 décembre 2019)

La remise Du PRIX AVF/SILLAGE aura lieu le 25 juin 2020.

Pour mémoire, nous avons déjà lu :

Sur les pas du fils de Renaud et Tom François et Denis Labaye
L’archipel d’une autre vie d’Andreï Makine
Les enfants du fleuve de Lisa Wingate
La nuit de béguines d’Aline Kiner
Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin
La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens
Là où les chiens aboient par la queue d’Estelle-Sarah Bulle
Le bonheur n’a pas de rides de Gaëlle Huon
Underground railroad de Colson Whitehead
Auxquels s’ajouteront :

Les seize arbres de la Somme de Lars Mytting
L’improbabilité de l’amour d’Hannah Rothschild
Et les deux ou trois derniers livres pour les mois de Mai et Juin que vous nous proposerez parmi tous vos coups de cœur.

Si vous avez envie de découvrir quelques titres pendant vos vacances, en voici quelques-uns qui ont retenus notre attention : (beaucoup ne sont pas en poche car sortis récemment) –

Comme un ruban de soie rouge de Cecily Wong
Né d’aucune femme de Franck Bouysse
La ferme des Miller d’Anna Quindlen
Quand nos souvenirs viendront danser de Virginie Grimaldi
Née contente à Oraibi de Bérengère Courmut
De pierre et d’os – de Bérengère Courmut
Les filles du bout du monde de Diney Costeloe
Quand les femmes étaient des ombres de Claire Bergeron
Rivage de la colère de Caroline Laurent
Cent millions d’années et un jour de Jean-Baptiste Andrea
Nous vous souhaitons de Bonnes vacances à toutes,

A bientôt au 12 mars,

Catherine, Evelyne et Patricia