Bonne année 2022 à toutes et à tous on l’a chanté, on l’a dit et répété à qui voulait l’entendre, on aurait dû être plus prudentes … à tous sauf qu’on avait oublié notre meilleur ennemi… le COVID, plutôt collant celui-là, qui l’a bien évidemment entendu et c’est dit chic … j’arrive on va fêter cela ensemble… résultat : nous voici de nouveau avec des mesures sanitaires, qui nous ont, malgré nous, obligées à reporter à Février nos rencontres.
Seulement voilà, on ne manque pas de ressources, des idées on en a et de la bonne volonté aussi, alors on tenait à remercier chaleureusement toutes celles parmi vous qui nous ont envoyé leurs commentaires et leurs ressentis sur les lectures que nous vous avions proposées, nous permettant ainsi de pouvoir réaliser ce compte-rendu et de rester toutes « connectées ».

Le premier titre était :
PRODIGIEUSES CREATURES de TRACY CHEVALIER :
Un mot sur l’auteure :
Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Washington, le 19/10/1962
Biographie :
Tracy Chevalier est une écrivaine ayant la double nationalité, américaine et anglaise.
Elle s’est spécialisée dans les romans historiques.
Elle est née et élevée à Washington, DC, et son père est photographe pour le The Washington Post. Elle étudie à la Bethesda-Chevy Chase High School de Bethesda, dans le Maryland.
Après avoir reçu son B.A. d’Anglais au Oberlin College en Ohio, elle déménage en Angleterre en 1984.
Elle y trouve un emploi de spécialiste d’ouvrages de référence, travaillant pour plusieurs encyclopédies en rédigeant des articles sur des auteurs. Quittant cet emploi en 1993, elle commence une année de Master of Arts en création littéraire à l’Université d’East Anglia.
Sa carrière d’écrivaine débute en 1997 avec « La vierge en bleu » (The Virgin Blue), mais elle connait le succès avec « La jeune fille à la perle » en 1999), un livre inspiré par le célèbre tableau de Vermeer.
Tracy Chevalier est également Chairman pour l’Angleterre à la Society of Authors.
Article Publié par Agnès Lenoire :

Les prodigieuses créatures, le centre de ce récit, objets de toutes les attentions, mercantiles et scientifiques, ce sont les fossiles. Nous sommes dans le sud de l’Angleterre, à Lyme Regis, au tout début des années 1800. Mary Anning, petite déjà, ramassait des ammonites avec son père sur l’immense plage de cette région du Dorset. Le père, menuisier endetté, tentait d’arrondir ses faibles revenus en les vendant aux touristes. Quand le père décéda, la famille se retrouva dans la misère, avec pour toute perspective l’hospice des pauvres. La petite Mary, à la fois en souvenir de son père et par nécessité, redoubla donc d’activité sur la plage afin de vendre toujours plus de fossiles. Son œil s’aiguisa, et avec le petit marteau que lui avait offert son père, et qui ne la quittera plus, elle dégagera toujours plus de fossiles. Un jour, elle deviendra célèbre, mais avant d’en arriver à cette notoriété, il faudra l’aide énergique d’une femme.
Cette femme, ce sera Élisabeth Philpot, une londonienne venue s’installer à Lyme pour des raisons familiales, de 20 ans son aînée, vieille fille, et amateure passionnée de fossiles. Mary et Élisabeth, toutes deux chasseuses de fossiles, se rencontrent logiquement sur la plage alors que Mary n’a que douze ans et montre déjà de grandes compétences : œil de lynx, connaissance du milieu, précision du geste, amour du travail bien fait, patience à toute épreuve. Élisabeth est impressionnée et guide Mary vers la théorie. Grâce à elle, Mary lira les ouvrages de Cuvier et de Lyell. Le duo fonctionne à merveille, leur passion les liant irrémédiablement. Elisabeth est une férue de poissons-fossiles. Étant d’un rang social plus élevé que Mary, Élisabeth n’est pas obligée de vendre ses récoltes pour vivre. Elle les étudie, les classe, les expose chez elle, écrit aux scientifiques. Les plus grands de l’époque viendront les examiner.
Quand Mary détecte et dégage sa première tête d’ichtiosaure, elle pense, comme tout le monde dans sa petite ville, qu’il s’agit d’un crocodile. Elle n’aura de cesse de trouver le reste du corps et de le reconstituer soigneusement. Mary découvrira aussi plusieurs plésiosaures, ainsi que le premier ptérodactyle trouvé hors d’Allemagne. Élisabeth et elle se poseront des questions sur la nature de ces bêtes. Élisabeth explique à Mary, ainsi qu’au curé de la paroisse, que ces créatures n’existent plus et que c’est la preuve qu’une disparition d’espèces est possible, que tout n’est pas fixé. Mais le sujet est proprement écarté, pas seulement par le curé, mais aussi par les habitants, et s’il n’est pas écarté, il est renvoyé aux versets bibliques. L’auteure montre bien le tabou que représente à cette époque l’idée de changement dans la nature, et combien il était dérangeant et imprudent de remettre la religion en question.
Mary Anning, rendue vulnérable et timide par la pauvreté, se voyant interdire tout accès à la « bonne » société, se fera voler ses découvertes par des collectionneurs peu scrupuleux. Les collections sont alors très en vogue et les acheteurs sont souvent plus vaniteux que connaisseurs. C’est Élisabeth qui livrera une bataille acharnée en faveur de Mary, se déplaçant jusqu’à Londres, et faisant le siège de la Geological Society, interdite aux femmes, pour faire entendre la vérité, et convaincre ses membres du sérieux de la jeune découvreuse.
Tracy Chevalier a brossé le portrait touchant d’une belle amitié, scellée par la science et le besoin de vérité et de reconnaissance. En postface, elle explique quelle fut la part romancée : la rumeur qui a couru sur une liaison de Mary est devenue fait réel sous la plume de l’écrivaine. Le reste est historique.
À Lyme, un musée « Élisabeth Philpot » a été bâti à l’emplacement même de la maison où est née et a grandi Mary Anning. Les ichtyosaures et plésiosaures de Mary sont au Museum d’Histoire Naturelle de Londres.
Des ammonites
Une belimnite

Fossiles d’Ictiosaure

Un plésiosaure

Critiques et Analyses de nos lectrices :
Marie Paule :
« Quand on aborde les premiers chapitres de ce roman de Tracy Chevalier, « Prodigieuses
créatures », le nom de Jane Austen vient de suite à l’esprit, de même que l’Angleterre du XIXème, ses codes sociaux, son conformisme et son conservatisme. Une femme se définit uniquement par le mariage qu’elle arrive à « décrocher », les efforts et tractations des familles, l’absence de mixité des classes sociales.
Au -delà d’un certain âge, même plus la peine de penser convoler en justes noces, les
jeunes filles passent au rang de « second choix ».C’est ce qui amène ces 3 sœurs Philpot à être
reléguées dans cette bourgade reculée du Dorset, au bord de la mer, à Lyme Régis en 1810.
Ainsi le coût d’entretien des 3 sœurs sera moins important pour leur frère de Londres, qui lui s’est
marié et de plus, elles ne gêneront pas sa vie en société. Elles n’ont pas de métier, étant destinées au
mariage, donc sans ressources propres et sans indépendance. Trois sœurs aux personnalités
différentes, Elisabeth est, sans conteste la plus indépendante et la plus intéressée par les sciences.
Celle-ci se lie à Mary Anning, fille de l’ébéniste de Lyme, passionnée par la recherche de fossiles
sur la côte et la plage .Toutes deux, animées par la même passion vont y passer leurs journées et y
faire de formidables découvertes de coquillages, mais aussi dans la roche, d’animaux préhistoriques
fossilisés. La famille Anning privée de père tire ses ressources de la vente de ces « curios » (ammonites, belemites) d’un ictyo, animal fossilisé ressemblant à un crocodile, suivi
d’un plésio.
Ces « belles pièces » attirent des scientifiques locaux aux belles manières, mais peu
scrupuleux. Ces hommes de sciences : Lord Henley,William Buckland ,le Colonel Birch vont
traverser la vie de Mary Anning et Elisabeth Philbot et vont les amener à être concurrentes et
jalouses l’une de l’autre. Mais l’amitié et la passion pour les fossiles sont les plus fortes.
On peut s’interroger sur l’attitude de ces scientifiques, exclusivement des hommes, qui s’intéressent et participent aux recherches sur la côte. On aperçoit qu’ils en tirent bénéfice, revendent de belles pièces parfois à des musées burlesques ou à des sociétés de paléontologie et s’arrogent la découverte des animaux fossiles sans citer les véritables découvreurs. Il ne peut y avoir partage de mérite avec des femmes aussi compétentes qu’eux.
Elisabeth va défendre Mary auprès de lord Henley, car pour lui Mary n’est qu’une ouvrière qui a trouvé les fossiles sur ses terres donc cela est sa propriété. De plus, Elisabeth est furieuse de constater que celui-ci « transforme un mystère du monde en attraction aussi commune que burlesque et qu’il lui lance sa féminité comme un motif de honte » (voir page 154).
Mary Anning facilite les trouvailles pour faire plaisir, elle est trop généreuse et modeste. Elisabeth
rappelle à l’ordre le colonel Birch et obtient la reconnaissance du monde scientifique.
Le colonel Birch est contraint de dire voir p.284 FOLIO « J’ai vendu une collection aux enchères afin de collecter des fonds pour une famille de Lyme, les Anning. C’est la fille de cette famille qui a découvert la majorité des spécimens qui composent ma collection …la jeune femme la plus remarquable que j’aie eu le privilège de rencontrer dans le monde des fossiles. » Une victoire devant un public de scientifiques !
Les découvertes de fossiles confortent la théorie de l’évolution qui sera publiée en 1859 par
Charles Darwin. Le monde n’aurait pas été créé en 7 jours par Dieu comme le dit la Genèse de la
Bible ? Pourquoi Dieu aurait-il supprimé ensuite des espèces? Les croyances ont bien du mal à
subsister.
J’ai aimé ce roman jamais ennuyeux et qui pose beaucoup de questions sur la société corsetée
de l’époque. Les femmes ont eu à lutter contre des comportements sexistes et malgré des
apparences polies. Elles ont obtenu des avancées dans la reconnaissance de leurs mérites. »
Dominique :
« La foudre m’a frappée toute ma vie. Mais une seule fois pour de vrai. »
Mary Anning s’en souvient alors qu’elle était bébé, et à d’autres moments de sa vie, quand elle a vu le premier crâne de crocodile trouvé par son frère Joe, puis quand elle a trouvé le reste du corps, ainsi que d’autres monstres sur la plage et quand elle a rencontré le colonel Birch, dont elle est tombée amoureuse.
Elle ressent un écho de la foudre chaque fois qu’elle trouve un fossile. Dans les années 1810 à Lyme Régis, sur la côte du Dorset, battue par les vents, Mary découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces « prodigieuses créatures » qui remettent en question les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d’un milieu modeste se heurte à la communauté scientifique, exclusivement composée d’hommes.
Elle trouve une alliée en Elisabeth Philpot, veille fille acerbe et intelligente qui l’accompagne dans ses explorations, face à l’hostilité générale leur amitié sera leur meilleure arme. »
« Prodigieuses créatures » est une œuvre de fiction mais nombre des personnages ont existé et certains des événements relatés ont eu lieu, le nom de Mary Anning a été cité pour la première fois en 1825 en France dans un contexte scientifique, puis en Grande Bretagne en 1829.
L’écriture de Tracy Chevalier rappelle Jane Austen et conte l’histoire d’une femme qui bravant sa condition et sa classe sociale a fait l’une des plus grandes découvertes du XIXème siècle.
Christine :
Christine ayant vu le film (Ammonite) relatant l’histoire de Prodigieuses créatures, nous donne son ressenti basé sur celui-ci :
« Dans le film, outre les qualités scientifiques de l’héroïne difficilement reconnues par la gente masculine de l’époque, il s’agit de la difficulté des femmes de ce début du 19ème de maintenir une indépendance sans hommes et de vivre une homosexualité sans entraves de la « bonne société ».
Le film est magnifique, je le recommande, rien que pour Kate Winslet.
Annie F :
« Là encore, le hasard fait bien les choses, sans être une spécialiste, je m’intéresse à la géologie et à la paléontologie. Le thème m’a donc entrainée dans un domaine passionnant d’autant qu’il s’agit de l’histoire romancé de deux femmes anglaise, Elisabeth Philpot et Mary Anning, qui ont contribué à de grandes découvertes dans le monde de la paléontologie.
C’est un hommage aux femmes souvent déconsidérées à cette époque, début du 19ème siècle.
Ce livre, à travers le récit de l’amitié de ses deux femmes, met en exergue les différences de classe et la difficulté d’exister, sans statut social, sans dot, mais aussi le poids de l’église qui freine les progrès de la science. Que d’évolutions depuis cette époque !
J’ai beaucoup aimé ce livre, j’ai participé aux fouilles, j’étais sur la plage !!! mais, je n’aurais pas aimé vivre à cette période, il y a un côté sombre et poussiéreux dans l’existence de ces personnages.
Catherine P :
« Pour Prodigieuses créatures, ce que j’apprécie chez cette écrivaine, c’est que les femmes sont le ciment de ses livres ».
Martine :
« Je pense que l’intérêt du livre repose surtout sur le « duel » entre ces messieurs scientifiques bien- pensants, et surtout qu’une femme n’avait pas sa place dans ce domaine avec la volonté de percer et de faire front afin d’amener une autre théorie sur la création du monde. »
Françoise :
« J’ai trouvé ce roman passionnant malgré un sujet (les fossiles) qui peut dérouter à priori. C’est un beau portrait de femmes à cette époque. Nos deux héroïnes évoluent avec leurs découvertes dans le monde de la science typiquement masculin, misogyne même. Les questions sur la place de Dieu dans la création sont abordées. Avis très favorable aussi… »
Annie G :
« Ce roman nous raconte les trente premières années de Mary Anning paléontologue reconnue. Elle est née dans une famille très pauvre et pour survivre, pratique la chasse aux fossiles qu’elle revend aux touristes. Un jour, elle découvre un ichtyosaure et devra se battre aidée de son amie Elizabeth Philpot contre la communauté scientifique parce qu’elle n’est qu’une femme dans ce monde d’hommes et contre la religion qui interdit de croire que Dieu aurait pu supprimer certaines espèces. Cela serait-il possible pour les humains ?
J’ai beaucoup aimé ce livre. Il m’a beaucoup intéressé. Je ne connaissais pas l’histoire de Mary Anning qui a réussi à bousculer cette communauté scientifique où les femmes n’étaient pas acceptées.
Marcelle :
« J’ai trouvé beaucoup de longueur dans « Prodigieuses créatures » : cadre et intrigue étriqués, toujours les rochers et les fossile ! désolée, mais c ’est le ressenti d’une de vos chères lectrices. »
Jacqueline :
« J’ai trouvé Prodigieuses créatures assez bien mais cela parle trop de fossiles, donc plus pour les initiés en paléontologie. »
Renée :
Bien aimé
Comme vous pouvez le constater d’une manière générale le livre a séduit nos lectrices, permettant de découvrir la vie de Mary Anning et surtout le combat de ces femmes face aux scientifiques de l’époque.

 

Le deuxième livre proposé était :
AME BRISEE DE AKIRA MIZUBAYASHI : 
Un mot sur l’auteur :
Nationalité : Japon
Né(e) à : Sakata , le 05/08/1951
Biographie :
Akira Mizubayashi est un écrivain japonais d’expression japonaise et française et traducteur.
Après des études à l’université nationale des langues et civilisations étrangères de Tokyo (Unalcet), il part pour la France en 1973 et suit à l’Université Paul Valéry de Montpellier une formation pédagogique pour devenir professeur de français (langue étrangère).
Il revient à Tokyo en 1976, fait une maîtrise de lettres modernes, puis, en 1979 revient en France comme élève de l’École Normale Supérieure à Paris où il reçoit le titre de Docteur après une thèse sur Rousseau.
Depuis 1983, il enseigne le français à Tokyo, successivement à l’Université Meiji, à l’Unalcet et, depuis 2006, à l’Université Sophia.
Akira Mizubayashi est lauréat du Prix des libraires 2020 et du Prix de L’Algue d’Or pour son ouvrage « Âme brisée », paru à la rentrée littéraire 2019 aux éditions Gallimard dans la collection « Blanche ».
Résumé :
Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs passionnés de musique classique occidentale se réunissent régulièrement au Centre culturel pour répéter. Autour du Japonais Yu, professeur d’anglais, trois étudiants chinois, Yanfen, Cheng et Kang, restés au Japon, malgré la guerre dans laquelle la politique expansionniste de l’Empire est en train de plonger l’Asie.
Un jour, la répétition est brutalement interrompue par l’irruption de soldats. Le violon de Yu est brisé par un militaire, le quatuor sino-japonais est embarqué, soupçonné de comploter contre le pays. Dissimulé dans une armoire, Rei, le fils de Yu, onze ans, a assisté à la scène. Il ne reverra jamais plus son père… L’enfant échappe à la violence d’un violon ressuscité.
L’écrivain et universitaire Akira Mizubayashi sait construire des ponts solides et délicats pour relier deux cultures, deux langues et nous offrir de les traverser avec poésie. Nous l’avions remarqué dans Une langue venue d’ailleurs, il nous avait ému et surpris en nous présentant l’univers du bain japonais avec son récit Dans les eaux profondes. Le voilà qui nous transporte cette fois dans les notes subtiles qui composent la musique d’une vie. Une musique rompue avec brutalité, qui trouve le moyen d’être encore, après avoir être brisée. Je vous parle bien d’un roman, qui nous raconte une histoire. Mais Âme brisée dépasse les frontières du roman. C’est un poème, un chuchotement, une longue pause, puis une révélation, une libération. Le roman est mélomane, il est épris d’un instrument de musique – un violon – et du travail du luthier, de l’archetier. C’est aussi un cri, mélodieux et harmonieux, qui s’élève contre la violence, la guerre, l’injustice. C’est une douceur, patiente et ample.
Et vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’une traduction. Akira Mizubayashi nous livre le récit écrit en français.
(Sculpture de Léon Tharel)

Le roman s’ouvre sur une scène mystérieuse. Un enfant est caché. Un homme en uniforme se trouve là. Il voit l’enfant mais ne révèle pas sa présence. Il lui remet un violon abîmé puis s’en va. Dans les chapitres qui suivent nous allons relire cette scène, vue sous différents angles. Et nous finirons par reconstituer les morceaux et comprendre qu’un japonais et trois chinois s’étaient réunis pour répéter Rosamunde, le premier mouvement pour quatuor à cordes de Schubert. Or nous sommes à Tokyo en 1938. Les chinois sont désormais des ennemis et un japonais qui les côtoie un conspirateur… Les quatre musiciens sont arrêtés. Le fils du violoniste japonais était caché dans le placard. Un des officiers lui a remis en cachette le violon de son père, écrasé, piétiné quelques minutes avant par un des soldats. Le garçon attend, blotti dans son placard salvateur, puis, la nuit tombée, rentre chez lui avec le violon sous le bras. On sait déjà que le père ne reviendra jamais.
Nous lirons le devenir de ce garçon. Nous le connaîtrons septuagénaire, artisan luthier, marié avec une artisane archetière. Et puis nous le verrons refaire chemin vers son passé en rencontrant les descendants de ceux qui ont vécu la fameuse scène du début, en 1938. Le jeune garçon, désormais vieil homme, devra se replonger dans son passé traumatique, pour s’en libérer enfin.
C’est une histoire simple et déchirante à la fois.
Naturellement, vous faites le lien entre la musique, l’instrument de musique, une âme brisée… Oui, la musique est omniprésente ici et sous toutes ses formes. Les artisans qui œuvrent à donner vie et santé aux instruments des musiciens ont le premier rôle. Ce thème a été largement traité dans la littérature mais il n’en est que plus savoureux sous la plume d’Akira Mizubayashi et ses phrases patientes, doucement imprégnées d’une esthétique particulière. Les images que nous recevons sont des peintures exquises. Les notes de musiques que nous entendons sont des paysages. Et l’alliance de la vue, de l’ouïe, du sensible est une composition tantôt florale tantôt tempétueuse.
(Extrait de Koma Mori – Arts et Lettre du Monde)
Critiques et analyses de nos lectrices :
Annie G :
Cette histoire se passe pendant la guerre sino-japonaise en 1938. Un petit garçon voit sa vie basculer le jour où les soldats emmènent son père qu’il ne reverra plus et détruisent son violon. A partir de là, il n’aura de cesse que de vouloir ressusciter l’instrument. Il y passera 50 ans et redonnera vie à l’âme de ce violon. Pour lui c’est une forme thérapie pour guérir du traumatisme subi dans son enfance.
Ce roman met également en opposition la violence destructrice de la guerre et la douceur, la légèreté et la poésie de la musique (gavotte en rondeau de Bach, Rosamunde de Shubert).
J’ai moyennement aimé ce livre. L’histoire ne m’a pas embarquée et pourtant j’ai aimé écouter les morceaux de musique classique qui y sont mentionnés.
Françoise :
J’ai adoré. C’est un roman tout en poésie, baigné de musique : celle de Schubert Le quatuor Rosamunde et celle de Bach La Gavotte. Il parle de déracinement, du souvenir, du lien filial. Il parle d’amour, de persévérance. Il parle aussi du Japon, des Japonais si délicats, du thé bu dans de la belle poterie. Il donne envie (et c’est ce que je me suis empressée de faire) d’écouter ces musique en buvant le thé vert mentionné grillé pour le soir. Avis très favorable aussi …
Martine :
Nous avait déjà parlé de ce livre lors d’une rencontre précédente.
J’ai beaucoup aimé ce livre pour le rappel historique des relations sino-japonaises et la résilience amenée par la restauration du violon. Je connais l’école de Mirecourt et comme vous le savez je suis passionnée de musique… alors l’histoire de ce violon ne pouvait que me plaire !!!
Catherine P :
Je ne vais pas vous résumer le livre, vous l’avez lu. Jérôme Garcin est cité au dos du livre. Il parle d’une prose si simple qu’on la dirait cristalline. Je suis tout fait d’accord avec lui. Ce livre m’a enchantée par la qualité d’une écriture fluide et musicale. Il n’a pas de défauts, ce livre. Tout s’enchaîne pour raconter comment ce petit garçon de 11 ans, traumatisé en 1938, a pu se réparer en restaurant le violon de son père. C’est un très beau livre et l’auteur doit être amoureux de la musique pour en parler de manière aussi élégante. Un livre à garder et à relire quand on a envie de se ressourcer.
Annie F :
« L’âme brisée est à la fois l’âme brisée du violon saccagé par la folie d’un militaire mais s’est aussi l’âme brisée de Rey qui a subi la disparition violente de son père Yu.
Tout au long du livre Rei cherchera à reconstruire les deux à travers la restauration du violon et la quête de celui qui lui a sauvé la vie, le lieutenant Kurokami.
C’est aussi un voyage dans la lutherie et la musique qui pousse à poursuivre la lecture en écoutant les morceaux évoqués et à visiter (un jour…) Mirecourt, petite ville des Vosges, capitale de la lutherie.
Mais également un message d’espoir, blessé, déraciné, Rei réussit à se reconstruire et aussi de réconciliation en considérant que l’être n’est pas foncièrement mauvais.
J’ai pris plaisir à lire ce livre, poétique et émouvant. »
Christine :
«J’ai bien aimé. Le titre, je l’ai d’abord entendu comme annonçant une énième histoire d’amour qui finit mal. Cela ne m’a pas fait envie. Après lecture, je me suis laissé porter par l’idée de la métaphore. Malgré la guerre entre leur deux pays, un japonais et trois chinois partagent leur amour de la musique et forment un quatuor que Schubert emporte dans sa mélancolie. Ils affirment leur volonté de dépasser leur appartenance à leur deux pays ennemis.
Plus assoiffés de beau que de domination, garder la distance entre le hasard de leur naissance et leur individualité, ils maintiennent la bonne distance entre le hasard de leurs cultures respectives (dont ils expriment par ailleurs toutes les subtilités de la langue) et leur nature profonde. – (la bonne distance donc). Tel est le rôle de l’âme d’un violon, petite pièce en bois entre la table et le fond de l’instrument, pour une meilleure qualité de vibration.
Outre cette métaphore dont la vision m’est sans doute très personnelle, ce livre montre encore une fois que l’art est mal vu en période trouble, c’est une indépendance que goûtent les brutes incultes, plus portées à servir un tyran qui leur donne l’illusion d’un petit pouvoir.
Dominique :
« C’est un roman sur le déracinement, sur la fidélité des origines, l’amitié, la transmission et surtout sur la musique qui véhicule les émotions au-delà des guerres.
Page 68 : Yu :
« J’aime la musique, je considère que la musique, même si elle est issue d’une autre civilisation, d’un pays avec lequel on est en guerre, fait partie du patrimoine de l’humanité … »
J’ai aimé ce roman dont j’ai écrit le résumé en compagnie de Schubert et Bach …
« En 1938 à Tokyo, Yu professeur d’Anglais et violoniste amateur est arrêté au milieu d’une répétition musicale avec trois de ses étudiants chinois, restés sur place malgré la guerre sinon japonaise. Rei, son fils est témoin de cette arrestation, caché dans une armoire.
Il grandira sans père, avec deux souvenirs obsédants datant de ce jour-là : le violon paternel brisé et la vaine intervention d’un officier mélomane nommé Kurokami.
Il sera adopté par un couple français et rebaptisé Jacques Maillard, après des études à la Sorbonne, il apprendra l’art de la lutherie à Mirecourt dans les Vosges où il rencontrera Hélène, apprentie auprès d’un argentier. »
Renée :
Livre très apprécié.
Ce compte rendu est un peu spécial en ce sens qu’il ne tient compte que des ressentis de nos lectrices sur le deux livres que nous avions proposés. Peut- être un peu long, mais articulé sous forme d’une présentation des auteurs et de leurs ouvrages, puis viennent ensuite toutes les critiques et analyses qu’ils ont suscitées de la part de nos lectrices.
Notre prochaine rencontre du 27 janvier devait être celle DES COUPS DE CŒUR DE NOS ADHERENTES, aussi nous avons gardé pour le prochain compte rendu, la liste des livres que vous avez lus et envoyés dont nous en ferons comme à l’accoutumée la présentation.
Pour les retardataires, vous avez encore le temps pour nous faire parvenir vos titres.
En attendant impatiemment de nous retrouver toutes dans la joie et la bonne humeur, prenez soin de vous et à bientôt.

Catherine et Evelyne