09/11/2024 – Le Transhumanisme – café philo
Nous étions 10 ce samedi matin réunis pour parler du transhumanisme et des problèmes qu’il pose. D’abord une définition : le transhumanisme repose sur l’espoir que le progrès des sciences et des techniques permettra de transformer radicalement l’être humain, lui permettant de lutter contre les maladies, le vieillissement et la mort en lui apportant des améliorations tant physiques que mentales.
Le constat d’une insatisfaction devant les limites de notre humanité et le constat que les progrès techniques ont permis à la machine de dépasser les capacités humaines dans de nombreux domaines sont à l’origine de cette idée, du moins dans sa version contemporaine car depuis toujours l’homme essaie de tirer le maximum de son potentiel tant physique qu’intellectuel et moral. C’est le programme des Lumières qui est remis au goût du jour (Descartes, «… nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie. »), mais, avec le transhumanisme, dans sa version la plus extrême.
Ainsi les penseurs du transhumanisme visent un (post-)humain capable de vivre 2 ou 3 siècles sans aucune maladie, doté de capacités intellectuelles exceptionnelles et libéré de la tyrannie des passions. Il existe même des personnes qui pensent que nous pourrions atteindre l’immortalité en transférant le contenu de notre esprit dans des ordinateurs, nous permettant d’accéder à une vie de cyborg ! Le projet de l’hybridation de la machine et de l’humain est toujours présent dans les rêves des transhumanistes, de l’implantation de puces dans l’organisme à la création de prothèses améliorant l’efficacité humaine, la confiance en les capacités infinies de progrès et de performances de la technologie est toujours exprimée.
Se fondant sur les progrès indéniables de la science et surtout des techniques les transhumanistes croient à une continuation de ces progrès à l’infini !
Au-delà de l’utopie, qui n’est pas aussi illusoire qu’on peut le penser a priori, il faut se rappeler que beaucoup d’utopies d’hier sont des réalités d’aujourd’hui, il faut constater les réalités du progrès technique de notre monde – on peut faire voir les aveugles, marcher les paralysés et des maladies mortelles d’hier sont guéries aujourd’hui – . L’utopie a toujours été un moteur de l’évolution humaine au-delà de ce qui paraissait possible et réalisable.
Mais cette idée de la création d’un surhomme pose bien des problèmes et c’est ce dont nous avons discuté. D’abord un premier point évident c’est celui de la confiance en la technique et ses réalisations qui semblent probablement excessive. Si la technique a permis des avancées et même de résoudre certains problèmes, ceci ne s’est fait qu’en apportant d’autres problèmes (l’utilisation du pétrole à outrance nous a apporté de nombreux bienfaits mais aujourd’hui les perturbations climatiques en sont la conséquence, les avancées thérapeutiques apportent leurs effets secondaires qui sont parfois si lourds qu’ils conduisent à un renoncement, chaque « avancée » technique apporte de nouvelles difficultés). Il y a une balance entre bénéfice et inconvénient qui doit à chaque fois être mesurée. Les contestations des OGM, les inquiétudes sur l’IA, le refus de l’acharnement thérapeutique, ne sont pas le seul fait de passéistes refusant la modernité. Ainsi l’optimisme béat n’est pas nécessairement de mise quant aux progrès de la technique et les exemples sont innombrables, ce qui est possible grâce aux avancées de la technique n’est pas toujours souhaitable. Le transhumanisme semble ignorer les difficultés que soulève la technique.
Il existe ainsi une inquiétude sur la création de ces posthumains que mettent en avant les transhumanistes :
La planète sera-t-elle capable d’absorber le choc d’une humanité surnuméraire et immortelle ou presque ?
Ces avancées de la technique ne bénéficieront ils pas à une seule minorité privilégiée ? Certains pensent une humanité à deux vitesses, d’un côté une élite bénéficiant des progrès de la science et de l’autre une humanité de seconde zone, considéré comme une espèce inférieure ?
Et puis n’est-ce pas pour rien que les partisans de cette doctrine se recrutent parmi les personnes qui travaillent dans les nouvelles technologies (informatique, intelligence artificielle, biotechnologie, etc.), le discours transhumaniste n’est–il que le paravent d’intérêts économiques bien compris ?
Dernier point qui a été abordé c’est celui de l’intelligence, le modèle d’une intelligence supérieure est celui de la super calculatrice, de « deep blue » qui bat Kasparov. Mais est-ce que l’intelligence humaine est le seul résultat du calcul rationnel ? On peut penser que nos décisions sont aussi le fruit de nos sentiments et les machines sont sans le moindre affect, ce qui peut les pénaliser dans les prises de décision, ou les rendre inhumaine !
Si donc le transhumanisme nous rappelle que l’homme se doit de progresser et qu’il le peut avec ou sans l’aide de la technique, il semble que l’utopie transhumaniste pourrait vite devenir une dystopie et qu’il faut probablement mettre un peu de modestie dans nos projets pour l’humanité, nous sommes liés à notre enveloppe corporelle actuelle pour le pire ou le meilleur…