Par exemple, comme l’exprime Bernadette  :
« où l’on vit le moment présent,
nuit dans un manoir hanté…
éveil des sens…
avant d’exprimer sur papier,
ce que l’on a ressenti ».

Enoncé de l’exercice demandé : 

« Voici les éléments à partir desquels vous ferez appel à vos sens et à vos émotions, pour en faire un récit détaillé et vivant.

 – Vous héritez de votre grand-oncle Youen Laouenan, propriétaire d’un manoir dans la forêt de Brocéliande.

 – Le notaire vous avertit que la cuisinière de votre oncle vous y attendra et vous remettra la clef.

 – Vous décidez de prendre le train et de vous y rendre, nous sommes le 30 octobre 1960.

 – grille qui grince, vent dans les arbres, porte qui frotte, goutte d’eau dans l’évier, cris de corneilles, escalier qui craque, vous ressentez du vent, Vous décrirez l’ambiance, le décor, vous imaginerez la vie de votre grand-oncle, son métier, ses passions…  

– odeur de menthe, cri du hibou, pas dans le grenier, et bruit de machine à écrire sur laquelle m’a  écrit mon oncle la lettre au présent et futur : Ma chère niéce,…..

Ecrivez la lettre au présent et futur et  votre texte au passé composé, imparfait ou passé simple ».

 Et voilà le résultat…  une histoire à dormir debout,
fruit de l’imagination de Barbara !

 » Installe-toi Audrey, je vais te raconter comment tout cela est arrivé.

C’était dans les années soixante, en automne. Cela ne nous rajeunit pas ! Un jour, quelle ne fut pas ma surprise de recevoir la lettre d’un notaire breton m’informant du décès de mon grand-oncle Youen Laouenan, propriétaire d’un manoir dans la forêt de Brocéliande dont j’héritais, à ma grande surprise, car je ne l’avais jamais vu. On n’en parlait pas ou à mots couverts, une sorte de secret de famille qui m’était indifférent. Le notaire me demandait de me rendre sur place au plus tôt, la cuisinière et dame de confiance de Youen m’y attendrait pour me remettre la clef.

Dès le lendemain, 30 octobre 1961, jour de pleine Lune, je pris le train, puis un taxi pour arriver à bon port en fin de journée. Curieuse ambiance dans cette forêt inconnue mais connue de tous pour ses mystères… Parvenue devant la grille du parc, le taxi m’avait souhaité bon courage et bonne chance avant de repartir sur les chapeaux de roues. Je me retrouvais seule, la nuit tombant dans cette ambiance étrange et sombre, entourée des bruits diffus, véritable symphonie du vent jouant dans les branches des arbres d’une forêt profonde et légendaire. Epuisée par le périple, j’aperçus l’ombre noire du manoir se détacher comme s’il m’attendait. Qu’allais-je y découvrir ?  

Quand je sonnai à la grille du parc, une silhouette munie d’une lampe de poche se détacha et approcha vers moi. C’était la gouvernante que j’appellerai Jeanne comme elle m’en pria gentiment en m’accueillant, en ouvrant la grille qui grinça comme un animal dérangé dans sa sieste. Je la suivis jusqu’au manoir après qu’elle m’en remit la clé avec la solennité d’une passation de pouvoirs.

Elle était gentille Jeanne ! trop peut-être ? Sans âge, robuste mais fatiguée sans doute, le manoir, le deuil, son sort ??? J’imaginais ses questions. Après tout, qu’étais-je pour elle qui avait vécu presque une vie dans ces lieux qu’elle connaissait mieux que personne ? Son sort était entre mes mains à moins qu’elle n’aie des projets inavoués… Entrant dans le vestibule très sombre, j’eus la surprise d’y être accueillie par des dizaines de paires d’yeux d’animaux en verre que la lampe de poche faisait briller. Des trophées de chasse, pas surprenant en ces lieux. Orgueilleuses prises d’armes peu glorieuses et tristes. Les quatre murs de l’entrée étaient couverts de ces têtes de pauvres gibiers tués à la chasse ! Malheureuses biches, sangliers, cerfs, et autres grands spécimens des forêts, innocentes victimes qui n’avaient rien demandé, se trouvant à portée de fusil au mauvais endroit, au mauvais moment mais pourtant chez elles, dans leurs forêts, qui nous rappelaient la vanité des chasseurs et leur naïve fierté pour un tir réussi. En silence, je leur demandais pardon au nom des humains, au nom de leur cruauté inconsciente… Mais autres temps autres mœurs, et je n’étais pas là pour juger cet oncle mystérieux qui avait pensé à moi avant de mourir. Et je ne savais rien de lui.

Je fis quelques pas et sentis tout de suite une bonne odeur qui se dégageait de celle, un peu rance et poussiéreuse, de cette entrée aux trophées. Jeanne me fit entrer dans la cuisine. Elle m’avait préparé une soupe délicieuse des plus réconfortantes. Nous nous sommes assises, et je lui demandais de me parler de mon oncle. Un homme original et généreux qui l’avait engagée par pitié à la suite d’un viol très jeune suivi d’un enfant, résultat de ce viol, lequel mourut à la naissance. Rejetée par sa famille, elle était à la rue quand Youen la recueillit puis l’installa confortablement un temps avant de lui demander de devenir sa gouvernante. Elle était sincère et retenait ses larmes pendant que je lui posais des questions, répondant avec simplicité. Elle avait réussi à faire quelques économies qui lui permettraient de survivre, disait-elle.

Par les liens du sang, j’héritais de ce que je ne méritais pas, et elle allait partir Dieu sait où. Au son des gouttes qui tombaient du robinet de l’évier, accentuant la tristesse du moment, je lui demandais de rester avec moi car elle s’apprêtait déjà à partir ! Demain serait un autre jour…

Réchauffée par la soupe et émue par notre conversation, je décidais d’aller dormir. Elle me guida jusqu’à ma chambre, traversant un joli boudoir, de type Louis XVI – drôle de nom boudoir, songeais-je ! doit-on y bouder son plaisir malgré le prometteur lit à baldaquin ? –  pour parvenir à l’escalier dont chaque marche grinçait sous nos pas, et atteindre enfin la grande chambre qui m’attendait pour y passer la nuit. Jeanne m’apprit qu’on l’appelait la chambre Chouette, peut-être parce qu’une chouette y avait un jour élu domicile et que rien ni personne ne put jamais l’en déloger. Un jour elle disparut comme par magie et l’oiseau manqua à tous… Mais depuis, les jours de pleine Lune, une odeur de menthe flotte dans ce grenier étrange. Jeanne regagna sa chambre après m’avoir prévenue de la présence du fantôme de son ancien maître qui se manifestait depuis son décès par des pas venant du grenier. Elle en avait très peur et n’osait plus y monter. Pour ma part, n’ayant jamais eu peur des fantômes j’en fus enchantée, puisqu’il ne pouvait être que bienveillant et je l’espérais, heureux et curieux de me voir ou de me ressentir en vrai ! Qu’aurait-il pu me faire ? à moi de l’aider, peut-être à se libérer en se détachant des lieux pour accéder au stade supérieur.

A priori, j’étais plutôt confiante. Fourbue, je m’endormis néanmoins, à peine couchée. Mais je fus réveillée peu après par une odeur de menthe, le sentiment d’être effleurée sur mon épaule puis des fameux pas au-dessus de ma tête. Peu après, tiens-toi bien, il y eut également le bruit particulier d’une vieille machine à écrire ! C’était lui ! j’en étais sûre !!! C’était trop beau pour être vrai ! « Va-t-il apparaître ou dois-aller vers lui ? j’étais au seuil de révélations essentielles ! S’il ne descend pas je monte » pensais-je ! Ce que je fis ….

Au grenier, pas d’oncle visible mais une lettre s’écrivait sur la machine archaïque qui tapait toute seule : « Ma chère nièce, tu es donc enfin là. Sache que tu m’as longtemps manqué. A cause de ma richesse et de Jeanne qu’on a imaginé comme étant ma maîtresse, j’ai été détesté et haï par toute la famille qui imaginait que leur héritage leur échapperait à cause d’elle. Toi, tu es innocente, tu étais si petite… A présent je vais mourir mais je m’étais renseigné et je sais beaucoup de choses sur toi. Tu mérites d’hériter. Je te transmets donc tous mes biens. Fais-en le meilleur usage et garde de moi le souvenir d’un oncle qui t’a aimée en silence et te le prouve en cet instant. Fais ce que tu jugeras bon pour Jeanne, je te fais confiance. Mais ne donne RIEN à la famille, c’est mon unique condition. Surtout ne me déçois pas, fais ce que je te demande et je pourrais partir en paix.

 PS : Si tu le souhaites, tu peux transmettre cet héritage à Jeanne qui a été si bonne pour moi, mais tu devras en décider ici-même avant de repartir en officialisant ta décision au notaire, car je dois repartir vers d’autres ailleurs, d’autres corps peut être, la tâche terminée, l’âme complètement en paix, avec moi-même et ma conscience . Ne t’inquiète pas, quel que soit ton choix, il sera bon.

Pas question de faire de la peine à cet oncle providentiel !!!

Je courus dans la chambre de Jeanne qui devait être si mal ! Jeanne, Jeanne réveillez vous !

Je ne dormais pas dit-elle  – Je lui fais part de la lettre – elle éclate en sanglots … Ne craignez rien Jeanne, tout est à vous ! Je n’ai besoin de rien, si ce n’est d’un grand oncle au Paradis qui sera content de moi ! J’appellerai le notaire ce matin, restez ici, et comme une tante aimée, accueillez-moi chaque fois quand je passerai par ici, seule ou accompagnée. Ainsi nous resterons proches comme nous le sommes ce soir, amies grâce au même homme que nous affectionnons ! Je vous souhaite le meilleur ! en tant que riche propriétaire vous trouverez peut-être un amoureux ! Voilà un héritage qui élargit le champ des possibles …

Tu n’imagines pas combien j’étais soulagée ! Je ne me voyais pas dans cette demeure, ni la vendre !  Je savais que tout serait bien et pour le mieux à présent et que, sans aucun regret, je gagnais une amie, des petits séjours à Brocéliande, et la magie de cette histoire à raconter de temps en temps.

Voilà, chère Audrey, tu sais tout !

Allez viens, partons passer un week-end chez Jeanne, je l’ai prévenue, tu vas connaître la magie de Brocéliande… Nous y serons très bien accueillies. 

Au fait ! Jeanne s’est trouvé un mari ! « 

BRAVO À TOUTE L’ÉQUIPE ! 

BONNES VACANCES ! 

Muriel HUET

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