L’INCONNU DE LA POSTE – Florence Aubenas

« La première fois que j’ai entendu parler de Thomassin, c’était par une directrice de casting avec qui il avait travaillé à ses débuts d’acteur. Elle m’avait montré quelques-unes des lettres qu’il lui avait envoyées de prison. Quand il a été libéré, je suis allée le voir. Routard immobile, Thomassin n’aime pas bouger hors de ses bases. Il faut se déplacer. Je lui ai précisé que je n’écrivais pas sa biographie, mais un livre sur l’assassinat d’une femme dans un village de montagne, affaire dans laquelle il était impliqué. Mon travail consistait à le rencontrer, lui comme tous ceux qui accepteraient de me voir. »
Le village, c’est Montréal-la-Cluse. La victime, c’est Catherine Burgod, tuée de vingt-huit coups de couteau dans le bureau de poste où elle travaillait. Ce livre est donc l’histoire d’un crime. Il a fallu sept ans à Florence Aubenas pour en reconstituer tous les épisodes – tous, sauf un. Le résultat est saisissant. Au-delà du fait divers et de l’enquête policière, L’Inconnu de la poste est le portrait d’une France que l’on aurait tort de dire ordinaire. Car si le hasard semble gouverner la vie des protagonistes de ce récit, Florence Aubenas offre à chacun d’entre eux la dignité d’un destin.
Florence Aubenas est grand reporter au journal Le Monde. Elle a notamment publié La Méprise : l’affaire d’Outreau (Seuil, 2005) et Le Quai de Ouistreham (L’Olivier, 2010), qui a connu un immense succès et redéfini la notion de journalisme d’immersion.

 

Un jour viendra couleur d’orange – Grégoire Delacourt

Tandis que le pays s’embrase de colères, Geoffroy, treize ans, vit dans un monde imaginaire qu’il ordonne par chiffres et par couleurs. Sa pureté d’enfant « différent » bouscule les siens : son père, Pierre, incapable de communiquer avec lui et rattrapé par sa propre violence ; sa mère, Louise, qui le protège tout en cherchant éperdument la douceur. Et la jeune Djamila, en butte à la convoitise des hommes, fascinée par sa candeur de petit prince.
Fureurs, rêves et désirs s’entrechoquent dans une France révoltée. Et s’il suffisait d’un innocent pour que renaisse l’espoir ? Alors, peut-être, comme l’écrit Aragon, « un jour viendra couleur d’orange (…) Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront ».
Lumineuse, vibrante, une grande histoire d’humanité.

 

Né d’aucune femme – Fran Bouysse

Il faut le savoir : Né d’aucune femme de Franck Bouysse n’est pas pour tous les publics. Il explore des scènes de violence qui tourne autour de l’horreur. Mais il détient une poésie profonde qu’on ne peut pas ignorer. Ce roman est pourtant un coup de maître et probablement son plus beau roman jusqu’ici.

Ce conte noir raconte l’histoire de Rose, petite fille de 14 ans, vendue par son père qui n’avait pas l’argent nécessaire pour nourrir ses quatre filles. Franck Bouysse nous raconte le parcours de cette petite fille, qui devient fille, puis femme et mère avant l’heure. Elle connaîtra la violence du grand méchant ogre qui l’a acheté, la sournoiserie de la vieille sorcière, la reine-mère, qui engloutit Rose dans sa méchanceté. C’est aussi une histoire d’amour qui sauvera l’esprit fort et intelligent de Rose. Elle voudra écrire, peut-être pour ne jamais être lue, mais parce qu’écrire, c’est poser des mots sur sa souffrance. Né d’aucune femme, c’est aussi l’histoire d’un petit garçon, qui n’a pas de famille, qui ne parle pas, et qui découvre son histoire, un peu par hasard, avec toute la violence qu’elle comporte. Ce petit garçon devenu grand sera le vrai héros de cette histoire, il faut bien que la quête du conte soit résolue. Toute l’intrigue est tenue par la misère qui nous tient à la gorge. Si ce père avait été plus riche, s’il avait pu racheter sa fille, s’il avait eu les moyens de vérifier à qui il vendait une enfant… Toute la terreur de ce roman, sinon l’horreur qu’il évoque, contraste avec la volonté de vivre et la force de caractère de Rose. Elle continue à apprendre les mots, curieuse comme elle est. Elle invente, elle s’échappe dans son imagination grâce à un moment clé de son histoire, le moment où elle a l’impression de voler. Ce personnage, aussi réel qu’il puisse paraître, est le symbole même de la vie. Elle enseigne comment survivre face à la violence du monde et comment rester saine d’esprit lorsque tout se brise devant soi. Franck Bouysse lui prête une écriture avec ses fragilités, elle n’écrit pas les négations, mais elle a du vocabulaire, au plus riche et au plus juste qu’elle le peut. Nous sentons la sensibilité de ce personnage à travers ce travail de l’écriture phénoménal.

 

 

Bruno MARECHAL

Laisser un commentaire