« Qu’est-ce que le rire ? »
par Dominique Jouault, professeur de philosophie.
Qu’y a-t-il de commun entre un éclat de rire involontaire de celui qui tombe de sa chaise par maladresse sans se blesser, et le rire fin pendant une comédie au théâtre ? Entre les sottises de Laurel et Hardy, et les jeux de mots de Raymond Devos ? Le rire est souvent associé à la gaîté, il serait un plaisir de distraction, mais il est aussi l’esprit critique de la satire. Pouvons- nous définir le rire en cherchant ce qu’une farce grotesque et la finesse de l’humour ont de commun ? Les animaux rient-ils ou bien le rire est-il le propre de l’homme? Serait-ce parce qu’il pense ? Mais quel rapport entre la bêtise d’un ricanement et l’ironie de Socrate ?
Au début du 20è siècle, le philosophe Bergson, dans « Le Rire », et le psychanalyste Freud s’interrogent sur les raisons du rire : est-il la libération de notre inconscient, la transgression de notre conscience morale et sociale dans un carnaval, l’irrationalité burlesque confondant folie et réalité, comme le pense Freud ? Ou bien le rire est-il, comme le pense Bergson, la critique de ce qui nous paraît ridicule chez un homme, comme dans les « Caractères » de La Bruyère, son manque d’adaptation intelligente à la réalité, un appel à la conscience et à l’intégration sociale ?
Mais si le rire exige l’intégration sociale et les railleries moqueuses pour celui qui se distingue, est-il le conformisme d’un groupe contre un autre, signe d’intolérance ou de xénophobie, ou bien est-il une contestation sociale en déguisant, masquant, inversant les rangs sociaux, de Molière à Marivaux ? Pourquoi les régimes totalitaires interdisent-ils le rire ? Pourquoi le rire ne peut-il s’exprimer que dans les démocraties ?
En réfléchissant sur la pensée de Bergson, nous nous poserons la question suivante : le rire est-il un appel à la liberté ?
Au plaisir de vous retrouver !
